Résumé du budget fédéral – Principaux mesures et faits saillants fiscaux, avec analyses pertinentes pour la clientèle privée
Denika Heaton, BBA, JD, TEP, CEA, Spécialiste en planification fiscale et successorale, Patrimoine privé
Chris Hanley, CPA, CA, CFP, Spécialiste en planification fiscale et successorale, Patrimoine privé
Bâtir un Canada fort – Place à la construction
Le 4 novembre 2025 (date du budget), le ministre des Finances et du Revenu du Canada, François-Philippe Champagne, a présenté le budget fédéral (Budget 2025). Ce budget, qui prévoit un déficit de 78,3 milliards de dollars pour l’exercice 2025-2026, est axé sur les pressions économiques persistantes, notamment les tarifs douaniers, la hausse du coût de la vie et la nécessité de soutenir les investissements des entreprises, en particulier dans l’IA et dans des secteurs connexes. Toutefois, il comporte peu de mesures d’impôt sur le revenu et n’allège pas les complexités fiscales ni n’introduit de réforme d’envergure. Notons l’absence de modification des taux d’imposition fédéraux des particuliers ou des sociétés, et aucun nouvel impôt sur la fortune n’est proposé.
Principaux changements proposés touchant la clientèle privée
- Report d’un an de plus de la déclaration des simples fiducies, mais confirmation de son entrée en vigueur prochaine; nouvelles règles pour éviter le contournement de la règle de disposition réputée aux 21 ans pour les fiducies.
- Confirmation de la volonté du gouvernement d’aller de l’avant avec de nombreuses mesures fiscales annoncées par l’administration précédente, dont la modification de l’impôt minimum de remplacement et l’augmentation de l’Exonération cumulative des gains en capital, mais exclusion de l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital.
- Abolition de certaines taxes indirectes, dont la taxe sur les logements sous-utilisés et la taxe de luxe sur les aéronefs et les embarcations.
- Limitation des remboursements de dividendes pour les sociétés privées dans certains cas de structures à paliers multiples.
Détails
Déclaration des simples fiducies – report d’une autre année
Bien que les fiducies soient généralement créées au moyen de documents juridiques, tels que des actes de fiducies, les mesures sur les déclarations des simples fiducies sont de nature générale et visent de nombreux arrangements informels où la propriété véritable et le titre légal sont distincts. Ces mesures exigent la communication de renseignements à l’Agence du revenu du Canada (ARC), sans modifier l’imposition de ces arrangements.
L’existence d’une simple fiducie dépend des faits. Parmi les indicateurs, citons l’intention d’agir comme mandataire (avec documentation ou non), transfert volontaire en copropriété, ou divergence entre propriétaires véritables et titulaires légaux. C’est courant pour certains biens, comme des placements non enregistrés et des biens immobiliers, d’être détenus en copropriété, et ce, même quand les copropriétaires ne contribuent pas tous au bien ou n’ont sont pas tous les propriétaires véritables. Parmi les scénarios susceptibles d’engendrer la création d’une simple fiducie, on retrouve : l’ajout d’un enfant adulte au titre de propriété de la maison d’un parent âgé, transfert de placements non enregistrés à un compte conjoint parent-enfant, ou ajout d’un parent au titre de propriété de la maison de son enfant pour faciliter l’obtention d’un prêt hypothécaire.
Les obligations de déclaration des simples fiducies ont été instaurées en 2022, avec entrée en vigueur au cours de l’année d’imposition 2023. Les simples fiducies auraient été tenues de produire une déclaration T3 divulguant tous les intervenants, mais le propriétaire véritable continuerait de déclarer ses revenus, ses pertes et ses gains comme auparavant. Ces obligations ont été suspendues à la dernière minute pour les années d’imposition 2023 et 2024.
Le budget 2025 reporte la mise en œuvre de la déclaration des simples fiducies à l’année d’imposition 2025, avec l’intention de l’appliquer à compter de 2026. Cela accorde aux contribuables un autre sursis temporaire. Les clients devraient profiter de cette période pour vérifier si leurs arrangements constituent des simples fiducies, déterminer si de nouvelles exceptions s’appliquent et se préparer en vue des futures exigences de déclaration.
Le budget 2025 confirme aussi l’intention du gouvernement d’élargir l’exception pour « fiducies inscrites » ou « petites fiducies », en proposant de faire passer le seuil d’exemption de déclaration de 50 000 $ à 250 000 $ de la valeur marchande totale des biens détenus pendant l’année. La liste des actifs admissibles a également été élargie.
Si la fiducie respecte les conditions d’exception, que ses avoirs ne dépassent pas 250 000 $ et que ces derniers sont limités pendant toute l’année aux types d’actifs spécifiés, elle est exemptée des exigences accrues de déclaration pour l’année en question.
Restrictions sur les transferts indirects entre fiducies
Au Canada, la plupart des fiducies sont réputées disposer de leurs biens en capital à des fins fiscales tous les 21 ans. Cette « règle des 21 ans » peut entraîner une ponction fiscale importante sur les gains en capital si la valeur des biens a beaucoup augmenté, même sans vente réelle ni liquidités pour payer l’impôt. Elle vise à empêcher le report indéfini de l’impôt sur les gains en capital d’une génération à l’autre. Une fiducie peut survivre au-delà de 21 ans, mais elle doit alors réaliser les gains à leur juste valeur marchande et disposer de liquidités suffisantes pour payer l’impôt.
La législation actuelle empêche les contribuables d’éviter la règle des 21 ans en transférant les biens à une nouvelle fiducie avant l’anniversaire. Elle attribue à la nouvelle fiducie la date anniversaire de l’ancienne, veillant ainsi à ce que l’obligation fiscale ne puisse pas être reportée.
Le budget 2025 propose des mesures anti-évitement supplémentaires pour empêcher les contribuables de contourner la règle en transférant des biens à une société bénéficiaire contrôlée par une autre fiducie. Tout bien transféré directement ou indirectement à une nouvelle fiducie après la date du budget héritera de la date de disposition réputée de l’ancienne, empêchant les contribuables de contourner la règle des 21 ans. Cette mesures pourrait aussi signaler la volonté du gouvernement de cibler activement les techniques de report fiscal impliquant des fiducies.
Une stratégie courante pour composer avec la règle des 21 ans, en vertu de laquelle les fiduciaires distribuent les actifs comportant des gains en capital aux bénéficiaires résidents canadiens avant le 21e anniversaire, demeure viable avec une planification rigoureuse.
Abolition de la taxe sur les logements sous-utilisés
La taxe fédérale sur les logements sous-utilisés (TLSU) est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Elle visait à décourager les propriétaires non-résidents et non-canadiens de conserver des propriétés résidentielles vacantes ou sous-utilisées au Canada en leur imposant une taxe annuelle de 1 % sur la valeur du bien. Le gouvernement actuel estime que cet objectif peut être atteint par d’autres mesures, dont l’interdiction fédérale d’achat par des étrangers et diverses taxes provinciales et municipales sur l'inoccupation et la spéculation.
Le budget 2025 propose d’abolir la TLSU; celle-ci ne sera pas exigible pour 2025 et aucune déclaration ne sera requise pour cette année d’imposition et les suivantes. Toutefois, toutes les obligations demeurent en vigueur pour 2022, 2023 et 2024 . Les clients impliqués dans des structures de propriété complexes devraient vérifier avec soin leur conformité pour les années antérieures.
Mise en œuvre des mesures annoncées sur l’impôt minimum de remplacement (IMR)
L’impôt minimum de remplacement (IMR) est un système parallèle visant à faire en sorte que les particuliers et la plupart des fiducies paient un niveau minimal d’impôt, même lorsque des déductions, exemptions ou crédits réduisent considérablement leur impôt ordinaire. Si le calcul de l’IMR produit un montant supérieur à l’impôt ordinaire, c’est l’IMR qui s’applique. Toutefois, l’IMR payé peut généralement être reporté sur sept ans pour compenser l’impôt ordinaire futur. Les récents changements ont porté le taux de l’IMR à 20,5 % et fait passer l’exemption individuelle à 177 882 $ pour 2025.
Le budget 2025 confirme la mise en œuvre des mesures proposées antérieurement, dont la limitation à 50 % de la déduction des frais de gestion des placements aux fins de l’IMR, comparativement à une déductibilité totale avant 2024.
Ces changements toucheront surtout les particuliers à revenu élevé, ceux qui réalisent d’importants gains en capital et les contribuables qui réclament des déductions ou crédits importants (actions accréditives, dépenses de ressources, dons importants). Les fiducies avec des revenus ou des gains importants pourraient aussi être touchées, surtout si leur planification repose sur des déductions ou crédits moins efficaces en vertu du nouveau système d’IMR. Vu la complexité accrue et la portée élargie de ce dernier, les clients devraient revoir attentivement leur planification fiscale.
Augmentation de l’Exonération cumulative des gains en capital (ECGC)
Le budget 2025 confirme l’augmentation annoncée de l’Exonération cumulative des gains en capital (ECGC), qui passera à 1,25 million de dollars pour les gains admissibles. Cette exonération peut réduire substantiellement l’impôt payable à la vente d’actions admissibles de sociétés privées ou de biens agricoles ou de pêche admissibles. Des critères stricts de propriété et d’utilisation s’appliquent, rendant la planification essentielle.
Consolidation des règles sur les placements admissibles pour les régimes enregistrés
Le budget 2025 propose de modifier les règles sur les placements admissibles au sein des régimes enregistrés (REER, FERR, CELI, REEE, REEI, CELIAPP, RPDB) afin de les simplifier et d’harmoniser les critères entre les différents types de régimes.
Notamment, il serait permis aux régimes enregistrés d’épargne-invalidité (REEI) d’investir dans les actions de certaines petites entreprises, comme les autres régimes. Toutefois, après le 1er janvier 2027, les régimes enregistrés ne pourront plus investir dans des actions de « sociétés admissibles » ni dans des sociétés en commandite ou fiducies de placement pour petites entreprises, bien que les placements existants soient protégés par des droits acquis.
Le budget élimine aussi l’obligation, pour certains fonds de placement, de s’enregistrer auprès de l’ARC, en créant deux nouvelles catégories de fonds admissibles automatiquement, facilitant ainsi l’accès à une gamme élargie de fonds. De plus, les règles sur les placements admissibles seront consolidées au sein d’une définition unique, et la liste des placements permis sera réorganisée pour plus de clarté.
Pour les clients privés, ces changements faciliteront la compréhension des placements permis dans leurs comptes enregistrés, réduiront le risque de détenir des placements non conformes et offriront potentiellement plus d’options, surtout pour les utilisateurs de REEI ou pour ceux qui souhaitent investir dans des fonds privés. Toutefois, il est recommandé de revoir les portefeuilles avant 2027 pour disposer des placements non admissibles, car les nouveaux achats de certains placements liés aux petites entreprises seront restreints.
Abolition partielle de la taxe de luxe
La Loi sur la taxe sur certains articles de luxe a été adoptée dans le budget 2021 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Elle s’applique à la vente ou à la location de certains biens de grande valeur : véhicules et aéronefs de plus de 100 000 $ et embarcations marines de plus de 250 000 $ (sous réserve de diverses exclusions et exemptions). La taxe correspond au montant moindre entre 10 % du prix d’achat et 20 % de la portion excédant le seuil.
La taxe a été critiquée pour son impact potentiellement négatif sur le secteur manufacturier canadien et pour ses recettes modestes par rapport aux objectifs visés. Le budget 2025 propose d’abolir la taxe de luxe sur les aéronefs et les embarcations pour les transactions postérieures à la date du budget; celle-ci continuera malheureusement de s’appliquer aux véhicules d’une valeur supérieure à 100 000 $.
Crédit d’impôt compensatoire
Le budget 2025 introduit un crédit d’impôt compensatoire non remboursable, proposé pour les années d’imposition 2025 à 2030, afin d’atténuer la réduction de la valeur des crédits d’impôt pour certains contribuables. La plupart des crédits non remboursables sont calculés en fonction du taux fédéral le plus bas, qui passera de 15 % à 14,5 % en 2025 et à 14 % en 2026 et par la suite.
La valeur des crédits diminuera donc, ce qui pourrait entraîner une facture fiscale plus élevée pour les personnes ayant d’importants crédits (frais de scolarité, frais médicaux, personnes à charge). Le crédit compensatoire maintient le taux de 15 % pour les crédits réclamés sur les montants excédant le seuil de la première tranche d’imposition, évitant ainsi un fardeau fiscal accru pour les contribuables concernés.
Déclaration automatique pour certains contribuables
Le budget 2025 introduit des Prestations fédérales automatisées pour les particuliers à faible revenu admissibles dont la situation fiscale est simple et qui n’ont pas produit leur propre déclaration, permettant à l’ARC de produire automatiquement cette dernière. Avant de le faire, l’ARC enverra une déclaration préremplie pour révision, accordant 90 jours au contribuable pour la confirmer ou la modifier. Sans réponse, l’ARC produira la déclaration et émettra un avis de cotisation. Comme cette mesure vise les personnes à faible revenu et aux déclarations simples, elle pourrait concerner certains membres de votre famille, notamment des étudiants d’âge universitaire, qui devraient être informés de cette nouveauté et de la possibilité de s’y soustraire.
Limitation des remboursements de dividendes pour les sociétés privées
Lorsqu’une société privée canadienne gagne un revenu de placement « passif » (intérêts, dividendes, revenus de location, redevances, gains en capital imposables), elle paie généralement un impôt élevé, comparable au taux marginal supérieur des particuliers. Toutefois, une grande partie de cet impôt peut être remboursée lorsque la société verse des dividendes imposables à ses actionnaires, reconnaissant que ceux-ci paieront aussi de l’impôt sur les dividendes reçus.
Si l’actionnaire est une autre société privée avec une fin d’exercice ultérieure, un report d’impôt pourrait être créé. La société de rang inférieur reçoit son remboursement immédiatement, tandis que la société de rang supérieur ne doit pas payer son propre impôt remboursable avant la date d’échéance ultérieure.
Par exemple, si une société de portefeuille avec une fin d’exercice au 30 juin verse un dividende à une société mère avec fin d’exercice au 31 décembre, elle peut récupérer l’impôt remboursable à temps pour réduire son paiement du 31 août. La société mère paiera éventuellement l’impôt remboursable sur le dividende, mais pas avant l’échéance du 28 février suivant. Avec plus de paliers ou des fins d’exercice décalées, ce report peut devenir important.
Le budget 2025 propose de limiter ce report dans les structures à paliers multiples quand les sociétés sont affiliées (généralement contrôlées par la même personne ou par des conjoints). Selon la proposition, la société de rang inférieur recevrait seulement son après que la société de rang supérieur aura versé des dividendes imposables, alignant ainsi le moment du remboursement.
Ce changement accroît la complexité d’un aspect déjà technique des règles régissant le revenu de placement passif des sociétés privées. La mesure s’appliquerait aux exercices débutant à compter de la date du budget.
Roulements de gains en capital pour actions admissibles de petites entreprises
Le budget 2025 confirme l’intention du gouvernement de donner suite à plusieurs mesures fiscales annoncées précédemment, avec certains ajustements découlant de consultations et d’analyses additionnelles. Les mesures de roulement des gains en capital permettraient aux investisseurs de reporter l’impôt lors de la vente d’actions admissibles de petites entreprises et du réinvestissement, dans un délai prescrit, du produit dans de nouvelles actions admissibles.
L’Énoncé économique de l’automne 2024 proposait plusieurs changements visant à faciliter l’accès à ce roulement pour les dispositions survenant à compter de 2025, dont l’admissibilité des actions privilégiées, l’augmentation du plafond d’actifs admissibles de 50 à 100 millions de dollars et la prolongation du délai de réinvestissement de 120 jours à un an. Ces changements visent à offrir plus de flexibilité pour le réinvestissement dans des petites entreprises canadiennes.
Fiducies de propriété des employés
Les règles sur les fiducies collectives des employés (FCE) visent à aider les employés à acquérir des parts d’une entreprise en permettant à la fiducie d’emprunter auprès de l’entreprise et de rembourser le prêt sur une période prolongée, tout en offrant aux propriétaires sortants un report plus long de l’impôt sur les gains en capital. Une exemption temporaire s’applique à la première tranche de 10 millions de dollars de gains en capital réalisés lors de ventes à une FCE pour les années d’imposition 2024 à 2026. Le budget 2025 confirme que le gouvernement entend apporter des précisions sur les conditions d’admissibilité et rajuster la façon de calculer la déduction pour gains en capital.
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